almi
Messages : 13 Date d'inscription : 18/11/2015
| Sujet: Lecture analytique -L'Etranger (Camus) - 4 : la plaidoirie Mer 11 Mai - 11:54 | |
| Partie 2 - chapitre 4 "Ici, le procureur a essuyé son visage brillant de sueur [...] eau incolore où je trouvais le vertige" - Introduction:
Suite à un meurtre, Meursault est jugé. Nous assistons à une scène de réquisitoire et de plaidoirie. En quoi cette scène est-elle un simulacre de procès?
- I. Le réquisitoire:
- 1/ L'art de persuader :
Le procureur manipule l'art oratoire avec dextérité, ce que nous voyons à travers les différents procédés utilisés.
- Le discours s'ouvre sur un argument d'autorité, dans lequel l'orateur rappelle son expérience avec l'expression "ma déjà longue carrière".
- S'ensuivent de nombreuses figures de rhétorique :
- les longues phrases cadencées, comme "...mon devoir compensé, balancé, éclairé" qui comporte un rythme ternaire ainsi qu'une assonance en [é]. - une allitération en [r] ("impérieux...sacré...honneur...rien...monstrueux") qui dénote une certaine cruauté. - l'expression guerrière, voire primitive "la tête de cet homme" qui signifie que la société doit se venger.
Enfin, le président confirme la position de supériorité du procureur vis à vis de l'accusé avec l'expression moqueuse "saisissait mal mon système de défense" et par la question rhétorique "si je n'avais rien à ajouter", qui sont ironiques. En effet, il est difficile pour Meursault, après un tel discours, d'ajouter quoi que ce soit sans paraître ridicule. L'expression "un long moment de silence" indique que le procureur a transmis avec succès son message à l'auditoire.
- 2/ L'art de convaincre :
Le procureur sait se faire respecter et communiquer ses sentiments à l'assistance. Il maîtrise donc parfaitement l'art de la persuasion. En revanche, son accusation n'est pas fondée sur la raison. Les arguments logiques sont absents, il s'appuie sur la Bible (comme le montre l'adjectif "sacré") et les affects personnels seulement (avec l'utilisation d'un champ lexical des sentiments : "cœur humain", ""horreur", "âme", "ressens"). En outre, il dénigre l'accusé et va jusqu'à le déshumaniser. En effet, la phrase "je ne pouvais en appeler à ce cœur humain dont j'ignorais les réactions élémentaires" sous-entend que Meursault ne possède pas de cœur, est insensible. Pour finir, l'utilisation de l'adjectif "monstrueux" est scandaleux et n'a pas sa place dans une cour de justice.
Le réquisitoire met en scène un procureur qui sait subjuguer/captiver son auditoire et est expert dans l'art de la rhétorique. Toutefois, il porte des accusations infondées et son discours manque de consistance.
- II. La plaidoirie:
Il s'agit de la défense de Meursault par l'avocat commis d'office. On remarque très vite que celui-ci ne fait pas le poids face au discours brillant du procureur. Contrairement à son adversaire, il ne semble pas rompu aux techniques oratoires et sa voix retentit faiblement après le - 1/ L'art de convaincre :
L'avocat commence par employer la dialectique, qui consiste à reprendre le raisonnement de son adversaire pour mieux contrer ses arguments. Les formules "moi aussi" et "contrairement" ("Moi aussi, je me suis penché sur cette âme, mais contrairement...") lui permettent d'attaquer un raisonnement erroné. De même, il détruit le procédé de l'accusateur en ré-humanisant Meursault : en attestent les expressions mélioratives "honnête homme", "fils modèle" etc. L'adjectif "compatissant" ainsi que l'expression "aimé de tous" réfutent les affirmations du procureur qui l'a taxé d'insensibilité.
Toutefois, l'avocat révèle son manque de maîtrise de l'art oratoire. Il fait preuve de peu d'éloquence et se montre peu persuasif. - 2/ L'art de persuader :
Tout d'abord, l'avocat adopte un attitude soumise face à un adversaire qui vient d'emporter l'adhésion du public par son talent. La paraphrase flatteuse "l'éminent représentant du ministère public" illustre cette position d'infériorité. D'autre part, l'avocat reprend les mêmes procédés que le procureur en analysant non des faits, mais le caractère de Meursault. Que ce soit dans le domaine professionnel ("travailleur régulier, infatigable, fidèle à la maison qui l'employait") ou affectif ("fils modèle... soutenu sa mère", "aimé de tous" etc.), le champ lexical des sentiments en fait foi. Enfin, ce qui manque le plus au discours de l'avocat sont les figures de rhétorique : ce sont elles qui font la vraie différence entre la déclamation enflammée du procureur et ce discours plat et insipide. Même l'accusé, qui pourtant ignore tout se qui a trait à la justice, reconnaît l'incompétence de son avocat. En effet, les phrases "Il m'a paru qu'il avait beaucoup moins de talent que le procureur" et "La plaidoirie de mon avocat ne semblait jamais devoir finir" sont révélatrices de l'ennui et l'inconsistance de ce discours.
Le procureur et l'avocat de la défense sont peu convaincants en ce qui concerne l'argumentation logique. Mais alors que le premier s'en tire avec brio grâce à ses talents de rhétorique, le second fait preuve de peu d'éloquence, ce qui ne fait que confirmer son incompétence.
- III. L'attitude de Meursault:
Meursault semble indifférent à son propre procès - 1/ puéril, naïf:
- "pas eu l'intention de tuer l'Arabe" : puéril car il est dans le déni, sur la défensive, se dérobe comme un enfant pris au dépourvu ; naïf car après un discours tel que celui du procureur, Meursault perd toute crédibilité en comparaison. - De même, les expressions "un peu au hasard" et "c'était à cause du soleil" sont comiques devant un accusé qui se défend mal. Les "rires dans la salle" amplifient ce ridicule.
- 2/Absent:
- A l'impression que l'avocat lui prend sa place car dit "je"
-"Il m'a dit de me taire" transcrit le caractère des personnes l'entourant, ses réactions absentes sembles trouver un sens / échapper à la méchanceté.
-Meursault semble pris d'un malaise (« vertige »), également traduit par la comparaison : «j'ai eu impression que tout devenait comme une eau incolore» => impression de se vider de sa substance. Il ne trouve plus de sens, recherche le vrai.
-le discours de son avocat est indirecte, ce qui traduit le rapport de bref séquences captées par Meursault, n'y prête pas vraiment attention. Egalement traduit par "je me souviens seulement que..", "C'est à peine si j'ai entendu".
-Meursault est tenté par le voyage intérieur décrochant de la vie réelle, "assailli de souvenirs".
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