lou Admin
Messages : 165 Date d'inscription : 03/06/2013
| Sujet: Le Mariage de Figaro scène d'Exposition Beaumarchais lecture analytique Mar 14 Juin - 16:48 | |
| - Introduction:
Le Mariage de Figaro est une comédie écrite par Beaumarchais en 1782. Tout d'abord interdite par la censure puis acceptée grâce à la pression du public, elle connut un immense succès lors de sa première représentation, en 1784. Cette oeuvre se compose d'une suite de tromperies et d'imbroglios qui s’enchaînent dans une atmosphère légère et enjouée, et dont le but ultime est de confondre le comte Almaviva. La scène d'exposition présente des valets pleins de vivacité, Suzanne et Figaro, dont le mariage est compromis par les désirs secrets du comte.
En quoi cette scène d'exposition est-elle au service d'une contestation politique?- I. La scène d'exposition:
- 1. Présente les personnages:
- Des personnages antithétiques Les caractères opposés des deux protagonistes créent un comique de caractère. Alors que Figaro est naïf et peu perspicace (en témoignent les deux interrogations : "Qu'entendez-vous par ces paroles?" et "Qu'est-ce qu'il y a ?", mais aussi la réplique de Suzanne : "Tu croyais... que cette dot... était pour les beaux yeux de ton mérite?") La jeune femme, en revanche, est coquette et enjôleuse, comme le montre sa première réplique ("Tiens, Figaro, voilà mon petit chapeau ; le trouves-tu mieux ainsi?") dans laquelle elle invite son fiancé à la couvrir d'éloges. Elle est également plus rusée et perspicace que lui, car elle a immédiatement saisi les intentions du comte et présente une certaine finesse dans son argumentation.
- Des personnages qui s'aiment Suzanne et Figaro s'interpellent par des mots doux : "ma charmante", "belle fille", "mon fils", "ma petite Suzanne"
- 2. Présente l'intrigue:
- Plusieurs éléments indiquent que les deux valets s'apprêtent à célébrer leurs noces. Tout d'abord les didascalies avec la "chambre démeublée" qui signale une installation. De plus les termes "matin des noces" et "époux" soulignent que leurs vœux vont se réaliser le jour même. - Toutefois, une menace plane sur le mariage, incarnée par la personne du comte Almaviva qui a, comme le dit Suzanne, "jeté ses vues" sur la jeune femme et compte bien exercer son droit de cuissage, privilège des seigneurs de l'époque sur leurs domestiques. Ainsi, le passage du tutoiement au vouvoiement marque une rupture dans le ton : la gaieté et l'insouciance font place subitement à l'inquiétude.
- 3. Donne le ton:
Enfin, cette scène d'exposition donne le ton de la pièce, qui est une comédie enlevée. La vivacité s'exprime tout d'abord à travers un comique de geste, dû à l'agitation de personnages bouillonnants et gais. Pour convaincre sa fiancée d'accepter la chambre, Figaro se livre à une démonstration enthousiaste, émaillée d'interjections simulant la rapidité ("zeste" et "crac"). De plus, les personnages se livrent à un badinage amoureux : Suzanne exige l'obéissance et s'adresse à son chevalier servant au travers d'une interrogation rhétorique : "Es-tu mon serviteur, ou non?". On note également la présence d'un quiproquo comique dans la stichomythie : Suzanne, par pudeur, refuse d'avouer que le comte lui a fait des avances ; elle refuse de répondre aux questions pressantes de Figaro. Celui-ci, qui n'a semble-t-il pas vu venir le problème, croit qu'il s'agit d'un caprice féminin. Il feint d'être exaspéré et prend le public à témoin dans n aparté : "Ah! quand elles sont sûres de nous!".
- II. La contestation des privilèges féodaux:
Cette critique implicite s'exprime à travers l'argumentation de Suzanne : celle-ci emploie diverses stratégies pour s'attacher la protection de son futur époux.- 1. le silence:
A la simple mention du cadeau du comte, la jeune femme se trouble : elle a immédiatement saisi les intentions de son maître. Elle oppose donc un refus catégorique à travers la dénégation simple répétée "Je n'en veux point". Ce silence ne fait que confirmer la pudeur de Suzanne devant ce sujet délicat : le "droit du seigneur", puisque le "bouquet de fleurs d'orangers" est symbole de virginité.
- 2. le comique de mots:
Après s'être d'abord fermée à toute explication, Suzanne voyant que ce moyen n'est pas efficace se rabat sur le jeu. Elle emploie l'ironie pour donner un autre sens aux termes de Figaro :"zeste" et "crac". La jeune femme procède par allusion ; elle manie les images avec dextérité pour atteindre Figaro dans son honneur, comme le montre le sous-entendu métaphorique "un petit bouton" qui désigne les cornes du mari trompé.
- 3. l'aveu, l'expression d'une opinion personnelle:
Lorsque Suzanne est enfin parvenue à susciter la curiosité de son fiancé (ce que l'on voit à travers les interrogations successives : "Qu'entendez-vous par ces paroles?" et "Eh! qu'est-ce qu'il y a?"), elle passe à l'aveu. S'ensuit une longue explication claire, et cependant empreinte de sous-entendus. La future mariée cherche à secouer Figaro tout en conservant sa pudeur. Elle emploie ainsi les termes "jeté ses vues" et "droit du seigneur". Le public a enfin la révélation tant attendue : le lit est en fait un cadeau piégé. L'intrigue est donc annoncée d'avance, et il n'y a plus qu'à persuader Figaro d'agir.
- 4. une invitation à se lancer dans l'action.:
Suzanne réussit à transformer la réaction secondaire de Figaro en énergie combattive : elle encourage savamment ses instincts de valet trompeur : "De l'intrigue et de l'argent, te voilà dans ta sphère". Suzanne est parvenue à obtenir ce qu'elle voulait, mais cependant, les deux protagonistes voient les choses sous un angle différent : alors que Suzanne cherche à protéger son intégrité physique, Figaro y voit des intérêts purement matériels, comme le montre le champ lexical de la tromperie : "volée de bois vert", "trompeur", "piège" et "empocher son or". Suzanne apparaît donc comme le porte-parole des injustices de son sexe.
- Conclusion:
Pour conclure, on peut dire que cette scène d'exposition traduit et annonce une double lutte de pouvoir (les valets contre les maîtres, et les femmes contre les hommes), respectant ainsi les règles de la comédie. Outre le comique pur, elle ouvre également une réflexion sur l'exercice du pouvoir. Le Mariage de Figaro s'inscrit donc pleinement dans la philosophie des Lumières et prépare la rédaction des Droits de l'Homme. Si Figaro, malgré son esprit révolutionnaire et son personnage de valet sympathique, n'est que le vecteur des idées de Beaumarchais (on se rappellera le fameux monologue), Suzanne quant à elle apparaît comme une meneuse dont l'attitude éclairée et l'esprit critique en font la véritable instigatrice des idées nouvelles dans cette pièce.
Dernière édition par lou le Mer 26 Oct - 11:51, édité 1 fois | |
|
lou Admin
Messages : 165 Date d'inscription : 03/06/2013
| Sujet: Re: Le Mariage de Figaro scène d'Exposition Beaumarchais lecture analytique Mer 5 Oct - 14:35 | |
| cliquez sur les titres pour voir le contenu se dérouler. | |
|