almi
Messages : 13 Date d'inscription : 18/11/2015
| Sujet: L'Etranger (Camus) - LA 2 : la rencontre avec Sintès Mar 10 Mai - 11:52 | |
| - Introduction:
L'étranger est un roman écrit en 1932 par Albert Camus, un intellectuel engagé qui s'est illustré dans tous les domaines. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1957. Dans la premiÈre partie de l'oeuvre, nous suivons le quotidien d'un pied-noir, Meursault, à Alger, qui va être troublé par deux événements, le décès de sa mère auquel il semble insensible, et le meutre d'un arabe, suite À son implication dans les affaires de proxénétisme de son voisin, Raymond Sintes. L'extrait que nous allons étudier porte sur la rencontre de Meursault avec ce dernier, la cause indirecte de son crime. Se noue entre les deux hommes une relation trouble, ambiguë.
Pourquoi le lecteur doit-il reconstituer la réalité lors de la présentation de Sintès?- I. Portrait en action de Sintès, un personnage double donc trouble :
Dans ce texte plane un malaise diffus. Ce que comprend le lecteur après plusieurs relectures : - 1/ une chambre à l'image du personnage:
L'adjectif "sale" traduit une certaine paresse, des mœurs relâchées. Les "photos de femmes nues" montrent la femme envisagée uniquement sous son aspect corporel, et révèlent un personnage primitif, voire frustre. Cette facette de son caractère est en contraste avec l' "ange en stuc" également suspendu au mur ; cet objet qui représente la pureté, l'innocence et les images érotiques qui cohabitent dans l'antre de Sintès, sont une association paradoxale. Le lecteur est ainsi renseigné sur un autre aspect de sa personnalité, qui est l'hypocrisie.
- 2/ le portrait physique:
la description physique est brève, mais révélatrice : les expressions "nez de boxeur" ainsi que "large d'épaules" indiquent un personnage bagarreur. Une fois encore, cette brutalité est contrebalancée par son hypocrisie : Meursault signale que son voisin est "toujours habillé très correctement". Cette apparence extérieure s'oppose à la "chambre sale" et confirme que Sintès protège une réputation.
- 3/ le portrait moral:
- la brutalité : on remarque la présence du vocabulaire de la lutte : "bagarre", "vif", "figure en sang", "taquet". Cela montre que Sintès est habitué à se battre. D'autre part, la phrase "je lui ai demandé s'il avait son compte" dénote le sadisme du vainqueur qui attend d'être supplié. Sintès agit selon la loi du plus fort (loi de la jungle)
- l'hypocrisie et la mauvaise foi :
- le personnage défend sa propre cause, se disculpe et va même jusqu'à nier l'évidence avec les phrases : "C'est pas que je suis méchant, mais je suis vif" et "Je l'ai pas cherché, c'est lui qui m'a manqué". Ces prétextes rappellent la mauvaise foi d'un écolier devant son professeur. - Sintès est habillé comme un dandy et dissimule une activité interlope derrière un métier respectable : l'euphémisme de Meursault "on dit qu'il vit des femmes" s'oppose à "magasinier". - Sintès expose délibérément sa blessure devant les yeux de Meursault pour susciter son intérêt, éveiller sa curiosité et l'amener à li poser des questions. - Sintès flatte la virilité de Meursault avec la phrase au discours indirect "Il m'a déclaré ... que moi, j'étais un homme, je connaissais la vie". Il tente de l'amadouer pour en obtenir ce qu'il veut. D'autre part, ces propos sous-entendent que Meursault aurait lui aussi trempé dans des affaires illégales, ce qui le place sur un pied d'égalité avec son voisin. Ce dernier aura ainsi moins de scrupules à lui exposer ses manigances et obtenir son aide.
On a affaire à un personnage malsain et dissimulateur, qui cherche un homme de paille pour couvrir des actions louches. Cependant, le lecteur met du temps à s'en apercevoir à cause du filtre du regard passif de Meursault.
- II. Le lecteur épouse le point de vue non-analytique de Meursault:
- 1/ absence de sentiments:
- le dégoût :
- Meursault expose officiellement son indifférence envers la maltraitance des animaux, comme le montre la phrase suivante : "Il m'a demandé si ça ne me dégoûtait pas et j'ai répondu que non". - De plus, il ne fait aucun commentaire sur la chambre sale de son voisin. Il se contente d'exposer les faits sans les analyser ni en déduire quoi que ce soit sur le caractère de ce dernier.
- l'amitié :
- "Je trouve que ce qu'il dit est intéressant" souligne le caractère purement hasardeux de la rencontre des deux hommes. La vie monotone du narrateur est égayée par les récits d'un voyou. - "J'ai pensé que cela m'éviterait de faire la cuisine" : cette phrase montre que Meursault ne voit que le ncôté pratiquendes choses, et non la dimension sociale. C'est sa paresse et non un désir de rencontre avec l'autre qui va le pousser à pénétrer dans l'antre de Sintès. Ces deux citations insistent sur la passivité du narrateur, qui ne semble pas éprouver un besoin d'amitié. Ainsi, le passage "Il m'a demandé si je voulais être son copain. J'ai dit que ça m'était égal" sonne comme une parole en l'air, alors que Sintès, de son côté, scelle un pacte. Meursault prend toute idée d'amitié à la légère et ne pense pas aux conséquences de son engagement.
- Au manque de dégoût et d'amitié s'ajoute un troisième sentiment absent : l'inquiétude. Meursault ne pose aucune questions durant la bagarre narrée par son voisin. Cette passivité se traduit par une attitude statique : "J'étais assis sur le lit".
- 2/ absence de raisonnement:
Meursault ne montre absolument aucune curiosité et ne ses choix ne sont pas fondés sur la raison : en effet, il explique sa relation avec son voisin proxénète par un principe neutre, "je n'ai aucune raison de en pas lui parler". La tournure impersonnelle "on dit" dans la phrase "on dit qu'il vit des femmes", indique que le narrateur ne fait preuve d'aucun esprit critique, et n'a pas d'opinion propre. La formule "C'était vrai et je l'ai reconnu" accentue la passivité du protagoniste, qui se laisse docilement mener en bateau. C'est encore son caractère introverti qui l'emporte et le pousse à éviter le dialogue, à surtout éviter de contredire son voisin. Enfin, la phrase "Je n'ai rien dit" est révélatrice de l'attitude de Meursault dans ce texte. Ce personnage mutique et taciturne semble plongé dans un état de somnolence, de demi-conscience.
Meursault, sans même le soupçonner, est tombé dans le piège que lui tendait son voisin Sintès. Il constitue pour ce dernier un pion idéal, un associé consentant qui ne se pose aucune question. | |
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